mercredi 1 mai 2013

Libéralisme Ch. 1 et 2


I
Existe-t-il de nos jours quelque chose de connu sous le nom de libéralisme ?

Sans aucun doute, et si tous les hommes appartenant aux diverses nations de l'Europe et de l'Amérique, régions principalement infestées de cette épidémie, ne s'étaient entendus pour s'abuser ou paraître s'abuser à son sujet, il semblerait oiseux que nous prissions la peine de démontrer l'assertion suivante : il existe aujourd'hui dans le monde une école, un système, un parti, une secte (appelez-le comme vous voudrez), connu par ses amis comme par ses ennemis sous la dénomination de Libéralisme.
 
 
Ses journaux, ses associations, ses gouvernements se donnent ouvertement la qualification de libéraux. Cette épithète leur est jetée à la face par leurs adversaires sans qu'ils protestent, s'en excusent ni en atténuent l'importance.
 
Il y a plus encore ; chaque jour on lit qu'il y a des réformes libérales, des courants, des projets, des personnages, des souvenirs, un idéal et des programmes libéraux. En revanche, on nomme antilibéralisme, cléricalisme, réaction, ultramontanisme, tout ce qui est opposé à la signification donnée au mot libéral.
 
Il existe donc actuellement par le monde, ce fait est incontestable, une certaine chose qui s'appelle libéralisme et une certaine autre qui s'appelle antilibéralisme. Comme on l'a très judicieusement dit, libéralisme est une parole de division, car elle divise le monde en deux camps opposés.
 
Mais ce n'est pas seulement une parole, puisqu'à toute parole correspond une idée ; et ce n'est pas non plus seulement une idée, puisque nous constatons, qu'en fait, tout un ordre d'événements extérieurs en découle. Le libéralisme existe donc, et, reconnaître son existence, c'est dire qu'il y a des doctrines libérales, des œuvres libérales et, par conséquent, des hommes libéraux professant des doctrines et pratiquant des œuvres libérales. Or, ces hommes ne sont pas des individus isolés : ils vivent et travaillent en société organisée dans un but commun, unanimement accepté, sous la direction de chefs dont ils reconnaissent le pouvoir et l'autorité. Le libéralisme n'est donc pas seulement une idée, une doctrine, une œuvre : c'est de plus une secte.
 
Par suite, il est de la dernière évidence que, en nous occupant de libéralisme et de libéraux, nous n'étudions pas des êtres fantastiques, pures conceptions de notre esprit, mais bien des réalités véritables, palpables, appartenant au monde extérieur. Trop réelles et trop palpables, hélas ! pour notre malheur.
 
Sans doute nos lecteurs auront remarqué que, en temps d'épidémie, la première tendance qui se manifeste, c'est invariablement celle qui consiste à prétendre que l'épidémie n'existe pas. Dans les différentes épreuves de cette nature qui ont affligé notre siècle ou les siècles passés, le phénomène que je signale ne s'est pas, que l'on sache, démenti une seule fois.
 
 
Le fléau a déjà dévoré en silence un grand nombre de victimes et décimé la population, quand on consent enfin à convenir qu'il existe et fait des ravages. Les dépêches officielles ont été quelquefois les plus ardentes propagatrices du mensonge, et il y a même eu des cas où l'autorité a été jusqu'à imposer des peines à ceux qui affirmaient la réalité de la contagion.
 
 
Le fait qui se produit dans l'ordre moral dont nous traitons en ce moment est tout à fait analogue. Après cinquante ans, ou plus, passés en plein libéralisme, des personnes parfaitement respectables nous disent encore avec une effrayante candeur : « Comment, vous prenez au sérieux le libéralisme? Ce terme exprimerait-il, par aventure, autre chose que certaines rancunes politiques ? Ne vaudrait-il pas mieux, dès lors, considérer comme non avenue cette parole qui nous divise et nous indispose les uns contre les autres ? »
 
 
Quand l'infection est tellement répandue dans l'atmosphère que le plus grand nombre de ceux qui la respirent s'y est habitué et l'absorbe sans s'en douter, c'est un symptôme excessivement grave !
 
 
Le libéralisme existe donc, cher lecteur, c'est un fait ; et ce fait, ne vous permettez plus jamais de le mettre en doute.

 

II
Qu'est-ce que le libéralisme ?

Dans l'étude quelconque d'un objet, après la question de son existence, an sit ? les anciens scolastiques posaient celle de sa nature, quid sit ? C'est cette dernière qui va nous occuper dans le présent chapitre.
 
Qu'est-ce que le libéralisme ?
 
Dans l'ordre des idées, c'est un ensemble d'idées fausses, et, dans l'ordre des faits, c'est un ensemble de faits criminels, conséquences pratiques de ces idées.
 
Dans l'ordre des idées, le libéralisme est l'ensemble de ce que l'on appelle principes libéraux, avec les conséquences qui en découlent logiquement. Les principes libéraux sont : la souveraineté absolue de l'individu, dans une entière indépendance de Dieu et de son autorité ; la souveraineté absolue de la société, dans une entière indépendance de ce qui ne procède pas d'elle-même ; la souveraineté nationale, c'est-à-dire le droit reconnu au peuple de faire des lois et de se gouverner, dans l'indépendance absolue de tout autre critère que celui de sa propre volonté exprimée d'abord par le suffrage et ensuite par la majorité parlementaire ; la liberté de penser sans aucun frein, ni en politique, ni en morale, ni en religion ; la liberté de la presse, absolue ou insuffisamment limitée, et la liberté d'association toute aussi étendue.
 
Tels sont les principes libéraux dans leur radicalisme le plus cru.
 
Leur fond commun est le rationalisme individuel, le rationalisme politique et le rationalisme social, d'où découlent et dérivent : la liberté des cultes, plus ou moins restreinte ; la suprématie de l'État dans ses rapports avec l'Église ; l'enseignement laïque ou indépendant, n'ayant aucun lien avec la religion ; le mariage légitimé et sanctionné par l'intervention unique de l'État. Son dernier mot, celui qui en est le résumé et la synthèse, c'est la sécularisation, c'est-à-dire la non-intervention de la religion dans les actes de la vie publique, quels qu'ils soient, véritable athéisme social qui est la dernière conséquence du libéralisme.

 
Dans l'ordre des faits, le libéralisme est la réunion d'œuvres inspirées et réglées par ces principes; telles que les lois de désamortisation (1), l'expulsion des ordres religieux, les attentats de toute nature, officiels et extra-officiels, contre la liberté de l'Église ; la corruption et l'erreur publiquement autorisées, soit à la tribune, soit dans la presse, soit dans les divertissements et dans les mœurs ; la guerre systématique au catholicisme et à tout ce qui est taxé de cléricalisme, de théocratie, d'ultramontanisme, etc.
 
Il est impossible d'énumérer et de classer les faits qui constituent l'action pratique libérale, car il faudrait y comprendre depuis les actes du ministre et du diplomate qui intriguent et légifèrent, jusqu'à ceux du démagogue, qui pérore dans un club ou assassine dans la rue ; depuis le traité international ou la guerre inique qui dépouille le pape de sa royauté temporelle, jusqu'à la main cupide qui vole la dot de la religieuse ou s'empare de la lampe du sanctuaire ; depuis le livre soi-disant très profond et très érudit du prétendu savant imposé à l'enseignement par l'Université, jusqu'à la vile caricature qui réjouit les polissons dans une taverne. Le libéralisme pratique est un monde complet : il a ses maximes, ses modes, ses arts, sa littérature, sa diplomatie, ses lois, ses machinations et ses guets-apens. C'est le monde de Lucifer, déguisé de nos jours sous le nom de libéralisme, en opposition radicale et en guerre ouverte avec la société des enfants de Dieu qui est l'Église de Jésus-Christ.
 
Tel est le libéralisme au point de vue de la doctrine et de la pratique.
 
(1) confiscation (vol) des biens de l’Église par l’État.

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